vendredi 5 mai 2017

"Le groupe" de Jean-Philippe Blondel

Chronique du blog D'une berge à l'autre


C’est la prof de philo qui a eu l’idée : un atelier d’écriture au sein du lycée encadré par son collègue Mr Roussel, qui a la double casquette d’enseignant et d’écrivain. Sur la base du volontariat, une heure par semaine pendant six mois. Résultat, dix élèves de terminale et deux adultes pour se plier à divers exercices où chacun va pouvoir mettre à l’œuvre son imaginaire. Les consignes sont précises, les contraintes plus ou moins légères, les règles clairement définies : pas de jugement, pas de critiques négatives ni de conseils. Après une légitime hésitation, voire une certaine appréhension, chacun se lance, se livre, et les barrières tombent, révélant des personnalités aussi riches que complexes, loin des apparences derrière lesquelles on se cache dans la vie de tous les jours.

Je ne vais pas vous raconter ma vie mais j’ai eu la chance, il y a une quinzaine d’années, d’encadrer des ateliers d’écriture avec un écrivain. Je l’accompagnais dans les classes, j’aidais les différents groupes à formaliser leurs textes, je participais aux restitutions et aux corrections. Nous avions volontairement choisi des publics compliqués, des élèves de collège en grande difficulté, des classes relais, des SEGPA, des EREA, des handicapés mentaux et des déficients intellectuels qui n'étaient pas en mesure d’écrire et avec lesquels nous utilisions le procédé de la dictée à l’adulte. Pour être honnête, il ne se passait parfois pas grand-chose, tout dépendait du groupe qui était face à nous, de la bonne volonté de chacun, de notre capacité à proposer des exercices « motivants ». Mais l’écrivain qui menait les débats maîtrisait l’exercice à la perfection, sa gentillesse, sa bienveillance, son autorité naturelle, sa légitimé indiscutable et son implication totale et sans faille dans chaque atelier ont toujours permis d’aboutir à un résultat au pire satisfaisant, au mieux totalement bluffant. J’ai vu des moments de grâce, des grands gaillards rebelles pleurant en lisant leur texte à voix haute devant leurs camarades, prêts à casser la figure au premier qui se fouterait d’eux. J’ai vu des profs sceptiques au départ retournés comme des gants au bout de quelques semaines. Ça reste les meilleurs moments de ma vie professionnelle et j’ai pris un réel plaisir à la lecture de ce roman de Jean-Philippe Blondel qui sent le vécu à plein nez et m’a rappelé bien des souvenirs.

Ils sont touchants ces lycéens. Et loin de toute caricature. L’atelier d’écriture va engendrer une émotion non feinte, une plongée dans leur intimité, dans le tumulte d’une adolescence où l’on ne cesse de se poser des questions, tant sur le présent que sur l’avenir. Ils sont si différents les uns des autres et en même temps tellement à l’écoute les uns des autres. L’acte d’écrire devient un lien solide qui les unis, il sonne comme une révélation permettant de livrer des secrets, de confier des sentiments jamais partagés, sans retenu mais avec dignité.

Un roman jeunesse qui dit le pouvoir de l’écriture, la force de cette mise à nu qui pousse à se dévoiler sans tricher. L’ensemble est maîtrisé de bout en bout, j’ai aimé cette conclusion abrupte, limite frustrante, qui correspond parfaitement à ce que peut être la fin d’une telle aventure. Une fois encore, Jean-Philippe Blondel sonne juste, terriblement juste. Un de ses meilleurs textes, dans une bibliographie qui, de toute façon, ne souffrait déjà d’aucune fausse note. C’est suffisamment rare pour être souligné.

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