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mercredi 3 juin 2020

"Esperluette" d'Anne Vanal

Chronique du blog Livres à profusion


C’est un courrier à l’absent, un courrier qui a été très difficile à écrire et qui a pris des années. Comment des vies peuvent basculer par plusieurs mauvaises décisions prises ou parce qu’il n’y a pas eu de décisions, d’échanges constructif qui auraient permis au drame de ne pas survenir.

Est-ce une lettre d’excuses ? Pas pour moi. Une lettre de remords, de culpabilité ? Oui, on pourrait le concevoir. Une lettre qui permet de tourner la page ? Non car ce drame restera toujours ancré. Une lettre pour continuer à vivre ? Oui. Vivre enfin après avoir survécu !

Cette lettre est pour Jordan. Que lui est-il arrivé ? Elle seule est restée. Ils étaient de très jeunes enfants quand ils se sont rencontrés. A l’école, ils étaient toujours ensemble. Elle l’a aidé car elle avait plus de facilités scolaires. Ils étaient deux, rien que deux. Ils ont également fait les 400 coups ensemble. Cela aurait pu ne pas prêter à conséquence. Cela commence à changer quand ils intègrent le collège. Et ensuite ce sera le lycée. Elle continue à aller à l’école. Mais lui, que fait-il pendant ce temps-là ? Ils se voient beaucoup moins et elle n’a pas vu certains signes, elle n’a pas osé parler à son meilleur ami ? Est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Elle est entraînée, parce qu’elle l’a voulu, dans une spirale, on doit bien le dire, de délinquance. Et arrive l’événement qui va changer leur vie. Elle n’a pas su dire non à Jordan mais c’est elle qui a pris les autres décisions avec un très grand sang-froid ou parce qu’elle était choquée par ce qu’elle a vécu. Je ne saurais le dire. En tous les cas, elle a besoin d’écrire à l’absent pour tenter de continue rsa vie, sans cette fuite en avant. Elle raconte à l’absent tout ce qui s’est passé après, surtout pour elle.


"Esperluette" d'Anne Vantal

Chronique du blog D'une berge à l'autre


« Tu es mon frère, mon ami, mon double, la moitié de moi. Tu es à jamais inscrit à mes côtés et relié à moi par une esperluette.»

C’est ainsi qu’elle conclut sa lettre. Une lettre qu’elle a mis des années à rédiger. Pour boucler la boucle, pour dire à Jordan ce qu’elle avait jusqu’alors enfoui profondément en elle. Revenir sur leur histoire commune remontant à la petite enfance. L’école, le collège, leur amitié inébranlable. Elle, l’élève brillante, lui, le cancre qu’elle n’a cessé d’aider pour qu’ils avancent dans leur scolarité au même rythme, jusqu’au lycée. C’est là que leurs chemins ont commencé à diverger. A 16 ans Jordan a arrêté les cours pour enchaîner les bêtises. D’abord petites, et puis de plus en plus « condamnables ». Quelques mauvaises rencontres plus tard, il a proposé un coup sans risque à sa meilleure amie. Elle a accepté du bout des lèvres, sans savoir qu’elle allait assister à un événement dont le souvenir la marquerait au fer rouge.

D’une seule traite elle couche sur le papier le passé et le présent. Pour tirer un trait, pour aller de l’avant. Les mots coulent avec fluidité, l’histoire est simple, tragique, tragiquement simple. Elle se lit comme le bilan d’une relation fusionnelle brutalement interrompue, une mise au clair limpide. Le retour sur les faits offre au lecteur un soupçon de suspens qui pousse à en savoir plus. D’emblée on comprend que cette lettre est une lettre à l’absent mais on voudrait comprendre le pourquoi de cette absence.

Pour la narratrice la lettre se veut cathartique, elle n’effacera jamais les souvenirs, bons ou mauvais, mais elle offre une libération intérieure, elle permet de repartir sur de nouvelles bases « pour commencer à vivre ». Une confession intime sans faux semblant, touchante et pudique.



lundi 17 février 2020

"Météore" d'Antoine Dole

Chronique du blog La bibliothèque de Noukette


Antoine Dole a écrit un hymne aux femmes. À toutes les femmes. À celles qui crient au dedans, à celles qui se taisent. À celles dont les entrailles brûlent des coups qui marquent au plus profond. À celles qui appellent les caresses et ne reçoivent que mépris. À celles qui pourraient être, qui auraient dû être et qui saignent d’être ce qu’elles ne sont pas. À ces chenilles pas encore papillons qui mesurent tout le chemin à parcourir pour s’envoler enfin. À celles qui se recroquevillent et enterrent ce qu’elles auraient pu être dans un monde moins… ou plus… À celles qui s’ouvrent malgré tout, ouvrent la voie, s’ancrent et tracent le sillon. Et à celles qui le suivent en espérant que les sacrifices ne seront pas vains…

Fragile et tellement forte. La voix de Sara nous fait retenir notre souffle. Elle résonne longtemps. Elle fait écho. Elle contient tout… Elle contient toutes les femmes… Antoine Dole ne le sait peut-être pas mais il a écrit son plus beau texte à ce jour. Et il m’a touchée comme jamais ♥


"Météore" d'Antoine Dole

Chronique du blog Méli-Mélo de livres


Quel uppercut que ce roman d'Antoine Dole !

J'ai du m'y prendre à deux fois pour le lire tant je manquais d'air dans cette lame de fond de mots qui met le lecteur dans la peau de cette jeune fille, dont justement l'enveloppe corporelle ne correspond pas à ce qu'elle est au fond d'elle depuis toute petite. 

Il ne nous épargne rien : la construction, parfaite, pose les enjeux de façon subtile. Il y a d'abord cette robe légère qui est osée être portée un jour d'été dans la rue. Cela parait anodin une robe. Pas toujours. 

Puis , c'est une plongée dans les affres douloureuses, une souffrance sans nom, de l'identité sexuelle et surtout le regard des autres. Car c'est toujours une question de regard. Le passage sur les insultes et leurs conséquences est particulièrement éprouvant. 

Mais il va plus loin encore et remonte ce long processus de descente au plus profond de soi quand on sait qui on est et qu'on ne peut être entendu. Il n'y a rien de pire que d'être enfermé dans son propre corps. C'est à 16 ans que Sara, enfin reconnue, peut effectuer sa transition et devenir cette météore que plus rien n'arrêtera. 

Est-ce qu'il ne faudrait que chacun puisse se créer ? Etre sa propre invention, son regard sur le monde, son cadeau à cet univers. 

Un roman d'une force inouïe, d'une sensibilité rare, qui sait regarder pour changer notre regard. Et qui va plus loin que le transgenre : c'est un roman féministe, qui dénonce ce que les femmes peuvent endurer au quotidien. Sur ce que signifie être femme.


vendredi 3 janvier 2020

"Météore" d'Antoine Dole

Chronique du blog Livres à profusion


Il fait beau, le soleil est revenu. Mais ce soleil revenu, qu’elle voit dans les sourires des gens qu’elle croise, est-il revenu dans son coeur ? Elle a osé porter une robe pour aller faire quelques courses.

Mais ce soleil s’assombrit car elle est agressée, insultée par trois garçons. Pourquoi encore cette agression ?

Toujours agressée verbalement et physiquement. On pourrait penser, en lisant les premières pages, à du harcèlement scolaire. Mais c’est pire que ça. L’auteur nous en dévoile les raisons vers le milieu de ce roman écrit à la première personne. Car le lecteur se pose la question. Pourquoi autant de violences ?

Quand un enfant se sait différent dès son plus jeune âge. Qu’il ne comprend pas pourquoi on essaie de le cantonner dans une case. Quand il ne comprend pas pourquoi toutes les autorités, notamment scolaires, évoquent une déviance et que ses parents doivent le remettre dans le droit chemin.

Outre tout cela, bien écrit, bien détaillé, Antoine Dole nous démontre par la force des mots ce corps que l’on hait, que l’on cache, qui ne correspond pas à ce que l’on est réellement, à ce que l’on ressent dans son coeur. Une grande souffrance pendant de très grandes années. Une grande souffrance parce que l’on ne s’aime pas et c’est cela le plus dur. Passent encore ce que peuvent nous faire subir les autres, quand on n’a pas confiance en soi, quand on n’a pas l’estime de soi, c’est ça le plus dur. Les coups des autres sont moins violents que les coups que l’on peut s’infliger à soi-même. Quand on se sent autre, quand on se croit autre, quand on se sait autre et que le corps est complètement différent, il est impossible de s’accepter. Il suffit d’une rencontre, d’une belle rencontre avec un professionnel qui comprend, qui explique que le chemin pourra être long, surtout lorsque l’on n’est pas majeur. Et ensuite, avec soi, avec sa propre volonté,avec le fait de s’accepter et surtout en étant accompagné de la famille, de la mère, le passage ne se fera pas en douceur mais ce passage permettra de vivre la vie que l’on souhaite.

Les préjugés ont la vie dure surtout lorsque l’on est adulte et qu’on les subit. Mais les préjugés sont encore pires, lorsque l’on est enfant et que l’on grandit. Comment voir le soleil alors que tout est néant autour de soi, en soi ?

Un véritable plaidoyer pour toutes les femmes, quelles qu’elles soient. Ces femmes qui font avancer le monde, ces femmes qui endurent les plus vils sévices, les femmes qui luttent pour toutes les conditions, les femmes qui ont en définitive le pouvoir, car elles donnent la vie, elles apportent l’amour. Un véritable plaidoyer pour tous ceux qui n’ont pas le corps qu’ils souhaitent, qui se sentent mal dans ce corps. Malgré cette violence, le déni face à ce corps, les violences infligées à ce corps, il n’y a jamais eu la pensée de passer à l’acte irréversible. Une très grande force de caractère, tout de même. Mais si cela avait duré au-delà de ses 16 ans, sans trouver l’aide adéquate, n’aurait-elle pas voulu en finir ?

Un livre qui démontre tout de même que l‘espoir est toujours là, qu’il faut continuerpour pouvoir croire en soi, s’accepter, s’aimer pour ce que l’on est réellement. Car comme l’écrit l’auteur par la voix de son personnage, le corps n’est qu’une enveloppe et ne démontre pas qui l’on est réellement, quelle personne on est.


"Météore" d'Antoine Dole

Chronique du blog Songes d'une Walkyrie


Météore est un ouvrage de la collection « d’une seule voix » des éditions Actes Sud Junior, une collection souvent très forte en émotions et aux sujets délicats que j’affectionne particulièrement, jusqu’à présent elle ne m’a jamais déçue. Ce nouveau titre écrit par Antoine Dole, dont j’ai découvert la plume grâce aux tires Ueno Parket Naissance des cœurs de pierre, évoque le thème de la transidentité à travers le témoignage d’une jeune adolescente transgenre qui raconte le naturel de la chose qui apparaît contre-nature, bizarre ou incompréhensible pour d’autres.

Sara a seize ans et raconte avec honnêteté, lucidité et force le calvaire d’une enfance incomprise, l’éternelle justification de ses goûts, de ses jeux soit-disant trop féminins pour un garçon, le regard des autres, entre autre adultes, des moments de complicité avec d’autres petites filles, d’une psychologie torturée, des cris silencieux à l’intérieur de ce corps qu’elle ne considère pas comme le sien, de ces dictas de la société, bornée et intolérante, de cette nature considérée comme un travers, une déficience mentale, jusqu’à ce qu’une rencontre humaine et bienveillante vienne poser les mots simples et doux sur une douleur trop longtemps enfouie.

Sara s’éveille, s’émerveille, ose, mais se confronte aussi au mur de l’intolérance violente, subit les coups, la brutalité des mots, mais toujours se relève, tel un météore indestructible, le personnage est fort, résistant, conscient de la bêtise des autres, conscient de leur incompréhension et parfaitement conscient d’être ce qu’il est et de ne pas avoir besoin de le justifier. Sara garde la tête haute, sa fierté et ne plie pas, malgré une certaine fragilité et fébrilité qui tremble face à tant de heurts.

Avec des mots simples et percutants, l’auteur retranscrit un témoignage réaliste, sensible et poignant d’une adolescente née dans un corps de garçon ; un sujet délicat et actuel. On s’immerge aisément dans la tête de Sara, on ressent pleinement ses bonheurs comme ses colères, mais aussi ses doutes comme sa volonté. On espère que ce message d’espoir malgré toutes les horreurs subies face écho au plus grand nombre. L’auteur est sensible et cela se perçoit dans ses écrits, cela apporte une certaine douceur à des émotions intenses et beaucoup de poésie à son style d’écriture.

En bref, Météore percute par sa thématique forte, explose par le témoignage de Sara réaliste et poignant et brille par son message d’espoir et cette volonté de fer, écho aux combats féminins de tout temps. Un petit ouvrage qui dévoile la naissance d’un nouvel astre, pur et simple.

mardi 2 juillet 2019

"Rattrapage" de Vincent Mondiot


Chronique du blog Les lectures de Lily


Voici un petit livre qui se lit très rapidement (comme une nouvelle, en une heure maximum) mais qui a un fort impact grâce à son contenu fort et puissant.

Rattrapage, c'est l'histoire d'une jeune fille belle et populaire que tout le monde aime et adule, qui se retrouve, le jour où elle passe le rattrapage de son bac, face à un garçon qu'elle aurait préféré ne plus recroiser.
Il était dans sa classe, parfois assis non loin d'elle, elle en profitait alors pour prendre des photos compromettantes, qu'elle postait sur les réseaux sociaux cherchant à attirer les moqueries et cela fonctionnait plutôt bien en général...
Lui, ne lui a jamais rien dit, jamais rien fait, il ne s'est jamais défendu, jamais plaint jusqu'au jour où il y a eu la photo, la "blague", la moquerie de trop et ce geste qui aurait pu lui coûter la vie.

Rattrapage est un livre fort qui va à l'essentiel. J'ai aimé lire cette histoire que je n'ai pu lâcher, je l'ai lu en un souffle. Une fois refermé, il m'a fait réfléchir, car pour une fois on a le point de vue de celui qui a fait du mal, du harceleur et non de la victime. Forcément, on capte tout de suite que cette jeune fille n'a pas compris qu'elle allait beaucoup trop loin, c'est triste et pathétique et en même temps je suis convaincue que ça arrive très régulièrement. C'est un petit peu l'effet boule de neige, ça reflète tellement bien la réalité.

Le malaise qu'elle ressent lorsqu’elle se retrouve face à lui, le jour de ce rattrapage, est palpable. On comprend alors qu'elle n'est pas une mauvaise personne, elle est pleine de regrets et d'excuses qu'elle souhaiterait émettre, mais qui restent enfouis au fond d'elle.

Très honnêtement, ce roman est à mettre entre toutes les mains ! Il est très bien écrit, les émotions et sentiments des protagonistes sont parfaitement exprimés et l'ensemble donne un bon petit bouquin qui reste dans un coin de notre tête pour ne jamais en ressortir.


jeudi 9 mai 2019

"Rattrapage" de Vincent Mondiot

Chronique du blog Livres à profusion


Rattrapage du bac ? Rattrapage d’une action passée lorsque l’on se trouve face à la personne qui a subi des dommages ? L’un ou l’autre ? Ou bien les deux ?

Est-ce que le harcèlement scolaire me parle ? Bien évidemment. Je pense à tous ces jeunes qui sont passés à l’acte, se sont suicidés parce qu’ils ont été harcelés par leurs camarades. Je pense à tous ces jeunes qui sont passés à l’acte, se sont suicidés car trop de pression de la part des équipes pédagogiques. Je pense à tous ces jeunes qui sont passés à l’acte, se sont suicidés parce qu’ils ont été victimes de harcèlement par le corps professoral. Personnellement, je n’ai jamais vécu ces situations. Je n’ai jamais été populaire, j’avais peu d’amis étant trop timide. Ma fille a vécu du harcèlement de la part d’un professeur. Mais ce n’est pas le sujet ici. Je me rappelle également College Boy, d’Indochine, qui relate le harcèlement scolaire. Paroles et clips ont provoqué un tollé mais ils racontaient la vérité. Un gros aparté sur ce roman qui s’adresse aussi bien aux adolescents qu’aux adultes.


Vincent Mondiot met les mots là où cela fait mal. On ne connait pas le prénom de cette jeune fille qui passe l’oral de rattrapage et qui retrouve un garçon qui était dans sa classe et qui a dû abandonner le lycée. Pour elle, ce seront des souvenirs de leur enfance, même s’ils n’avaient rien en commun, des souvenirs de ce qui a été fait durant ces premiers mois de l’année du bac et surtout pourquoi elle doit passer cet oral car ses résultats ont été en chute libre depuis l’événement. Elle a été la reine, elle a été populaire, elle s’est moquée des autres avec toute sa bande sur les réseaux sociaux. Entre introspection, le paraître, ironie, le harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux, elle s’insulte, se cherche des excuses, se sait et se rend coupable. Avec des titres de tableaux qui expliquent cette jeune fille et ses pensées.

Je n’ai pas éprouvé de l’empathie pour cette jeune fille, ni pour ce garçon, en définitive. Pourtant, lorsqu’ils se retrouvent et qu’ils arrivent à discuter, il a une attitude plus qu’honorable qui pourra peut-être faire réfléchir cette jeune fille. Je suis la première à prendre la défense de tous ces jeunes, sauf en ce qui concerne le harcèlement. A cet âge, on doit savoir ce qui est bien, ce qui est mal, même si à plusieurs, on est entraîné sur le chemin des bêtises. 
Ce livre nous montre également que les administrations pédagogiques ne font pas leur travail. Oui, elles ont pris des sanctions. Mais par rapport à ce qui s’est passé, je trouve qu’elles ne sont pas énormes. Les sanctionnés ont-ils appris de leurs erreurs ? Est-ce dû également à une différence de classe sociale ?

Avec Rattrapage, je retrouve un Vincent Mondiot comme j’aime. J’aime son style d’écriture, fin. Il analyse différents comportements et je pense que son but est de faire réfléchir et non de juger. En tous les cas, cela a pris, encore une fois, avec moi. Pas de jugements peut-être parce que je suis plus âgée. Quoi que cela ne veut rien dire. A tout âge, on juge sans connaître. On a tous des préjugés et dans ce cas-là, ce n’est pas mon cas.


mardi 9 avril 2019

"Rattrapage" de Vincent Mondiot

Chronique du blog La bibliothèque de Noukette


Je n’ai pas oublié ce qui s’est passé cet hiver, je n’ai pas oublié les deux gamins qui rentrent de l’école primaire ensemble, je n’ai pas oublié les ruines du passé entassées au fond de mon placard, je n’ai rien oublié. Samedi soir, pourtant, la bande semblait avoir oublié.

Vous savez ce que ça veut dire, être un membre de la famille royale ? être la bonnasse aux cheveux dorés et au cul bandant ? Ça veut dire que les gens que vous voyez tous les jours, ces visages dont vous ignorez le prénom, ces silhouettes en périphérie de votre champ de vision, ces personnes que vous surnommez « la rousse aux yeux de poisson » parce que vous êtes une putain de merde humaine, ces gens, ils sont plus malheureux que vous.

Il est là. Juste à quelques mètres. Comme la proie qu’il a toujours été. C’était presque trop simple. Presque un jeu d’enfant. Utiliser toutes les ruses du camouflage, avancer à couvert, planter les crocs dans la chair tendre. Et se repaître du festin si facilement gagné. C’est l’avantage d’être en haut de la chaîne alimentaire. La caste des dominants. La race des vainqueurs…


Ça a une odeur la peur ? Peut-être que c’était ça qui les excitait, elle et sa meute. Cette lueur affolée dans leurs regards, ce sentiment total d’abandon, cette manière pitoyable qu’ils avaient de se jeter presque sciemment dans la gueule du loup. Les vilains petits canards, les boiteux, les solitaires, les bizarres. Ceux qui n’entrent pas dans le cadre. Les proies idéales. Il suffisait de les appâter, de leur mentir, ou juste d’être soi-même. Ces idiots ne voyaient pas la différence…

Mais aujourd’hui c’est elle qui a peur. Le jour du rattrapage du Bac, tout lui revient en plein visage. Cette adrénaline qui la poussait elle et sa bande à humilier les plus faibles. Cette jouissance sourde à les mettre plus bas que terre. Les faibles ne faisaient jamais de bruit quand ils tombaient, ils s’écrasaient en silence, pas de vagues… Mais lui avait ouvert les vannes. Littéralement…

Implacable. La voix qui s’élève est celle d’une reine déchue, assaillie par les souvenirs plus que par les remords. Et c’est peu dire qu’elle marque… A-t-on envie de lui pardonner ? D’expliquer ces actes qui ont mené au pire ? De trouver un sens à cet acharnement ? Funambule impeccable, Vincent Mondiot renverse notre regard et nous oblige à faire face à nos propres démons en mettant son lecteur dans la tête de « l’harceleur ».

Un monologue tranchant comme une lame de rasoir. Un texte à vif dans une collection qui lui offre le plus beau des écrins. Une voix différente. Peut-être la meilleure façon de combattre le harcèlement scolaire. On en ressort groggy et profondément ébranlé. Virtuose ♥

Une lecture « outch » que je partage avec Jérôme, comme chaque mardi.

mercredi 3 avril 2019

"Rattrapage" de Vincent Mondiot

Chronique du blog Hashtag Céline



Si vous n'avez pas lu Nightwork paru en 2017 chez Actes Sud Junior et que vous aimez les romans qui dérangent, je vous invite fortement à le lire. Croyez-moi, vous serez largement servis.

Vincent Mondiot a son univers bien à lui et sait nous y faire entrer coûte que coûte en nous mettant face à une réalité qui perturbe, qui provoque et qui met mal à l'aise (oui, tout ça!). 
Ici, avec Rattrapage, il nous livre à sa façon, crue et brute mais très juste, les pensées les plus intimes d'une adolescente populaire qui attend de passer au rattrapage du bac. Elle n'y pensait plus mais elle l'aperçoit, lui. Et avec lui, tout refait surface. L'attente semble propice à la faire méchamment cogiter. 

Nous, lecteurs, allons alors assister à une lente remontée des souvenirs et à la tardive mais brutale prise de conscience de cette lycéenne face à ses actes, lourds de conséquences. 



#Intimité Dévoilée

Pour commencer, je voudrais juste dire que déjà, lire un titre de la collection D'une Seule Voix n'est pas sans risque. On le sait, bien souvent, on en ressort complètement chamboulé.

Boom de Julien Dufresne-Lamy, Une fille de... de Jo Witek, A la dure de Rachel Corenblit, Le voyage immobile de Valentine Goby, La piscine était vide de Gilles Abier... la liste est longue et l'émotion toujours au rendez-vous.

Cette remarquable collection accueille Vincent Mondiot et cela semble tout naturel. Comme si sa place était prête et qu'il n'avait plus qu'à la prendre. Une évidence.

Son histoire est courte, dans un souffle, comme le veut le principe de cette collection.
Ici l'héroïne attend de passer au rattrapage du bac. Stressée mais sans plus, elle attend. Ce n'est pas une jeune fille qui doute. Jolie, admirée et populaire, la vie est plutôt facile pour elle. Elle ne se pose habituellement pas trop de questions.
Et puis, elle aperçoit un de ses anciens camarades de lycée. Pas n'importe lequel. Il est arrivé quelque chose à ce jeune homme. Petit à petit, la lycéenne va dérouler son histoire qui en quelque sorte est liée à celle de ce garçon qu'elle connaît pourtant mal. Il y a eu un événement grave et jusque là, elle n'y avait plus trop repensé. Elle n'avait sans doute pas trop voulu le faire. Mais là, dans l'attente de son passage, elle est seule face à lui mais aussi face à elle-même...

C'est fou mais Vincent Mondiot sait nous parler de l'adolescence à la perfection et la voix de son héroïne sonne juste tout comme ses préoccupations. Cela peut sembler dur par moments, mais après tout, au coeur de l'intime, il est bien normal qu'il n'y ait pas de filtre. C'est vulgaire, c'est méchant mais c'est surtout très réaliste. Si. 
L'auteur réussit vraiment à nous mettre dans la tête de la jeune fille, le temps de ces quelques instants, de cette attente obligée.
Je n'étais pas une lycéenne aussi populaire (non, loin de là) mais cette façon d'être, de juger et de faire du mal m'a douloureusement rappelée que l'adolescence, c'est aussi ça. 

Et puis il y a le fond. Ce qui fait la tension de cette histoire. Ce qui hante l'héroïne et qui refait surface alors que peut-être, si elle n'avait pas revu ce jeune garçon, ne serait pas ressorti. Pas comme ça. 
Vincent Mondiot nous parle comme lui seul pouvait le faire (très bien) d'un sujet qui ne cesse de faire l'actualité. Et il le fait différemment de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent : de l'intérieur. ll le fait de façon détournée, indirecte comme si ce n'était pas vraiment ça le sujet. Mais si.

La quatrième de couverture en dit beaucoup. Moi, je ne veux pas vous dévoiler trop car même si on s'en doute rapidement, c'est important, je trouve, de le découvrir au fur et à mesure. J'avais pour ma part une version sans résumé et de fait, je ne savais pas de quoi cela parlait. J'ai apprécié.

Comme le veut cette collection, pas de chapitre mais ici, Vincent Mondiot y introduit des "tableaux". Comme dans un film, le jeune fille se repasse les scènes plus ou moins marquantes de sa vie et leur donne à chacune un nom : "Dernier été d'une adolescente", "Fermez tous vos gueule", "La fille est en plein délire"... Mais elle le dit elle-même : "La vie ne ressemble jamais aux films. Tout y est sale et douloureux et sans aucune importance ni aucun sens." 

Bref. J'ai adoré.

J'avais déjà acquis la certitude que le talent de Vincent Mondiot était grand, Rattrapage n'a fait que le confirmer et enfoncer le clou, profondément. 

#PourQui?

Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'ados.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires sans filtre.
Pour ceux et celles qui aiment les sujets difficiles.
Pour ceux et celles qui aiment les textes courts mais intenses.

Pour tous et toutes à partir de 15 ans.

lundi 1 avril 2019

"Rattrapage" de Vincent Mondiot

Chronique du blog La licorne à lunettes


Je tourne à l’instant la dernière page de ce monologue déchirant de dureté et de justesse… Une lecture en apnée dans la conscience de cette jeune ado face à son innocence perdue, par sa faute…

Quel goût a le remord selon vous ? Un goût de métal, de nausée acide, de poussière moisie ? Un goût amer sans aucun doute quand votre inconséquence vous a poussé à l’extrême aux dépens d’autrui et que le masque du déni se fissure.

Et c’est justement cette bouffée d’amertume suffocante qui enserre la conscience d’une ado de 17 ans, cette fille jolie, la reine populaire de son lycée, la belle qu’on convoitait et qu’on enviait… Mais « la réalité est toujours décevante » quand elle vous rattrape et vous confronte à votre pire noirceur.

Car voilà, la reine ne brille plus autant, elle a sombré depuis quelques mois, depuis la tentative de suicide d’un élève qu’elle et sa bande de dominants harcelaient pour s’amuser…


Comme elle, il est là, sur ce banc à attendre son tour pour le rattrapage du Bac.

Et en l’apercevant, tout lui remonte. Elle faisait partie de la meute des puissants au Lycée, ceux qui raillaient les moches, les nuls, les méprisables, les inutiles selon eux. À force de brimades sur les réseaux sociaux, ils jouaient de la vanne à grand renfort de photos et vidéos dégradantes, pour le fun, en toute inconséquence, par pure méchanceté gratuite. Diablement réaliste, non ? Mais leur cible favorite, ce garçon silencieux et mal dans sa peau, a fini par craquer en se coupant les veines en cours…

Nous étions des enfants et nous ne connaissions pas encore 
nos places respectives dans la chaîne alimentaire.

On entendrait presque dans un lointain écho résonner le « Ce n’est pas ma faute » comme une excuse facile et puis non, elle sait qu’elle a sa part de responsabilité, il a le droit de la haïr, elle a besoin de savoir. Elle s’en rend compte, tout tourne encore autour d’elle, c’est pour elle qu’elle cherche cette absolution et elle se dégoûte d’être encore ainsi.

La force de ce texte tient à l’unité de temps du récit : l’après-midi de rattrapage dans ce lycée où les souvenirs remontent malgré eux, à un moment charnière dans la vie des personnages. Le lecteur est là, dans la tête de cette fille fragile, perdue et cinglante de lucidité, il est à ses côtés, il inspire et expire au même rythme qu’elle, avec difficulté.

J’ai déjà fait mieux, déjà fait pire, en tous cas le lendemain 
j’avais la gorge qui me faisait mal, le cerveau en PLS et les yeux qui brûlaient.

Un récit comme un souffle court, dans une certaine urgence, un monologue intérieur vibrant et clairvoyant. Le ton est juste, direct, chaque mot est pesé et posé avec intention. Les sentiments éprouvés successivement par la narratrice alternent entre culpabilité et disculpation, honte et dégoût de soi, perte d’innocence et désabusement, confusion et éclats d’espoir fugaces. 

Le propos interroge et secoue, l’éveil est en marche. Un moment clé dans le parcours ado-préadulte, un carrefour décisif, une prise de conscience bouleversante. Souvent sombre mais à la recherche d’une lumière.

Titre du tableau : Coeur au bord des lèvres.

Oh oui, j’ai aimé, profondément.


"Rattrapage" de Vincent Mondiot

Chronique du blog Songes d'une Walkyrie


Un titre destiné aux ados sur les conséquences du harcèlement scolaire et du cyber-harcèlement et les remises en question personnelles, c’est brut et écorché, le style Mondiot dans toute sa splendeur !


Rattrapage est un monologue d’une jeune adolescente qui se retrouve au rattrapage du bac dans l’enceinte d’un autre lycée. Elle doit passer l’oral qui pourrait s’avérer aussi salvateur que préjudiciable pour l’obtention de son diplôme. Ce jour-là, ils sont un certain nombre à patienter dans le couloir, et elle reconnaît ce garçon assis, les écouteurs sur les oreilles, il ne semble pas l’avoir remarquer. Pourtant, elle se rappelle de ce qu’il a subi, ce qu’elle lui a fait avec les autres, jusqu’à ce qu’une marre de sang vienne faire cesser tout ça.

On suit donc les réflexions d’une adolescente jolie, bien fichue, populaire, une de ces filles qui a du succès auprès des garçons, une fille qui sort du lot parce qu’elle appartient à cette bande d’adolescents dont tous aimeraient secrètement faire partie. Elle raconte au lecteur cette année scolaire qui a viré au cauchemar avant de finalement finir dans le déni et l’oubli. Sauf qu’elle n’a rien oublié, sait qu’elle a fait beaucoup de mal et qu’avec cette bande de potes, des vidéos, des photos diffusées sur internet, ils sont allés trop loin. Revoir ce garçon, sur lequel ils se sont acharnés plus que les autres, celui que la plupart ont oublié, ravive en elle douleur et remords latents, tapis dans son cœur, dans sa tête, les réminiscences de ce qu’elle a été pendant presque une année lui explose au visage et toutes les interrogations qui en découlent ; comment réparer le mal qui a été fait ? Comment devenir une autre que cette pimbêche moqueuse ? Est-ce que ce garçon la déteste ? L’a-t-il oublié ? Comment va-t-il aujourd’hui ?

Ce petit roman respire le style Mondiot que j’affectionne particulièrement et que l’on retrouve d’une certaine manière dans ses autres écrits, Nightwork ou Les Mondes-Miroirs par exemple. On retrouve toujours des thèmes engagés, sensibles, durs aussi, avec un style d’écriture qui plonge en général le lecteur dans quelque chose de sombre, parfois même de glauque. Ici, l’écriture est encore plus brute, plus écorchée, comme si l’auteur avait craché son récit sur le coup d’une impulsion, d’un seul jet, c’est encore plus percutant finalement et cela apparaît en adéquation avec le sujet traité. C’est violent, réaliste, sans fioritures inutiles, c’est aussi plus tourmenté et virulent, émouvant dans sa simplicité. Je ne connais l’auteur qu’à travers ses écrits publiés mais aussi ceux de son blog « Survivre à la nuit », et l’on ressent une personnalité complexe, peut – être un peu « abîmé » aussi qui transparaît dans cet ouvrage.

On aborde là le thème du harcèlement scolaire et du suicide chez les adolescents psychologiquement plus fragiles dans cette étape de leur vie, l’adolescence, une période qui peut s’avérer aussi violente et destructrice que possible par les mots, les gestes, les actes et les réseaux sociaux, grand mal de notre époque… Mais, si l’ouvrage se veut fort et difficile parfois psychologiquement parlant, une once d’espoir demeure avec la notion du pardon et de reddition que l’auteur aborde aussi à travers son personnage qui se pose milles et une questions sur elle même, sur ces autres, soit disant amis, sur ce garçon marqué à vie par les cicatrices du drame.

En bref, un petit ouvrage au message fort qui résonne encore après la dernière page tournée, on pense inévitablement à ceux qui subissent ces harcèlements chaque jour, à ceux qui n’ont pas la « chance » de faire partie de la meute populaire, à ceux à qui l’on ne pardonne pas la moindre originalité, le moindre écart… à ces injustices quotidiennes qui peuvent tourner en drame. Un ouvrage qui je l’espère sensibilisera les adolescents, même si sans avoir d’idées préconçues à ce sujet, ce ne sont pas forcément ceux qui lisent qui sont les « bourreaux », ceux-là pourront peut-être s’allier, intervenir et se confronter à ceux qui violent chaque jour la dignité des autres. Encore un très bel ouvrage de cette collection forte et émouvante !

vendredi 6 juillet 2018

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog Elle M Lire


Le meilleur ami d’Etienne, Timothée est mort à Londres, lors d’un voyage scolaire, fauché par un fou. Il laisse un grand vide dans la vie d’Etienne. Son absence est pesante. Etienne pense à lui à chaque instant, se souvient des bons moments passés ensemble, de leur amitié si forte et si évidente.

"Je ne te demande jamais pourquoi tu dis boom tout le temps.  C’est sûrement un tic. Une façon de te dérober. Comme les caissières qui disent hop, hop, voilà ! gentiment assises derrière leur console. 
Toi, tu dis boom.Tu dis boom lorsque tu es stressé. Tu le fredonnes au bahut, dehors, dans la voiture de tes parents avant tes compétitions de natation. Sur le plot du départ, avant le grand plongeon, je les lis  aussi sur tes lèvres. Des boom timides avant le coup de sifflet. 
Tu dis boom tout le temps. Ce n’est même pas énervant."

Boom.

Comme une lettre ouverte à un ami parti beaucoup trop tôt. Un hommage à une amitié inconditionnelle, dans les bons comme les mauvais moments.

Boom.

D’un trait. J’ai lu ce texte d’un trait. En retenant mon souffle. Presque en apnée. Impossible de respirer.

Boom.

J’ai tremblé au fil des souvenirs d’Etienne, au fil de ses regrets, de ses questionnements. Au fil de sa culpabilité.

" Tu aurais entrepris de grandes choses. Une grande école, une carrière prometteuse, des marinières et des vacances sur l’île de Ré,  des marmots beaux à en pleurer. C’est dégueulasse. Pardon, injuste. Je rectifie en automatique. Tu sais, j’aurais échangé ta vie contre la mienne sans hésiter.  Parce que je sais que tu aurais mieux vécu que moi."

Boom, mon cœur a fait Boom. Mes émotions ont fait Boom. Mes yeux ont fait Boom. Ils se sont mouillés à la lecture de cette vie brisée.

"Tu meurs de mauvaise humeur parce que ce jour là, j’ai été minable."

Un hymne à l’amitié, à la vie, à la jeunesse. Un texte qui tout en pudeur et en sensibilité invite à profiter de chaque instant.

Boom. 

Boom. 

Boom.

Je n’ai pas vraiment de mots pour parler de ce livre, si ce n’est : lisez-le, vraiment.

Après les Indifférents, Julien Dufresne-Lamy m’a encore touchée en plein cœur, je n’ai pas su retenir mes larmes… Son style est fluide, les phrases courtes, les mots tous choisis avec soin, ce texte est une pépite. Julien Dufresne-Lamy, vous êtes un artiste des mots. Merci de nous livrer un nouveau bijou.

Boom est un livre à lire absolument. Un récit court. Intense. Un livre que je garde précieusement pour mes fils, dans quelques années.

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog Lirado


« Boom » c’est d’abord le bruit du choc, celui qui a tué Timothée ce jour là, sur le pont de Westminster lorsqu’une voiture l’a fauché avec d’autres piétons.
« Boom » c’est aussi le tic de langage de Timothée, dont se souvient Etienne avec amusement.
« Boom » c’est enfin le son d’un coeur qui palpite lorsqu’un coup de foudre naît. S’il n’est qu’amical entre Etienne et Timothée, il n’en est pas moins intense.

Comment supporter la mort de son meilleur ami lorsqu’elle survient sans prévenir ? Etienne a du mal. Il se remémore sans cesse ce voyage scolaire londonien où tout a basculé, mais aussi les souvenirs de son amitié avec Timothée. Ecrit comme une longue lettre à son ami, Boom nous prend aux tripes avec ses phrases coup de poing, ciselées, qui vont droit au cœur. Le chagrin d’Etienne n’est pas feint et Julien Dufresne-Lamy a su se mettre et nous mettre à la place d’Etienne, partager ses émotions.

Boom c’est aussi une touchante histoire d’amitié. Entre les lignes on devine le lien tenu qui unissait Etienne et Timothée. L’un est parti trop tôt, laissant l’autre dévasté. Le roman met en exergue l’histoire de ces deux amis et le fait de manière très sensible.

En quelques mots :

Boom. Le bruit du choc lorsque la voiture a fauché Timothée, le son du coeur qui palpite, le tic de langage de cet ami parti trop tôt. Dans ce qui ressemble à une longue lettre adressée à son meilleur ami, Etienne confie sa difficulté à faire son deuil. Les phrases ciselées, pleines de poésie, viennent mettre en exergue l’histoire de ces deux amis. Boom nous prend aux tripes et nous fait partager de manière intense les émotions d’Etienne. On se sent gagné à son tour par le chagrin de l’adolescent. Poignant !

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog Entre les pages


Étienne et Timothée ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour partir à Londres avec leur lycée. Forte insistance auprès des parents, révisions en masse, travail de l’accent anglais, ils se sont consacrés des jours entiers à mettre toutes les chances de leur côté. Une fois dans le car, ils n’imaginaient pas que lors de cette aventure dont ils rêvaient tant, un drame allait les séparer à jamais. En effet, victime d’un acte de terrorisme, Timothée n’est pas revenu vivant de la capitale anglaise. Des mois plus tard, Étienne continue d’appeler sur le portable de son meilleur ami, écoute sa voix sur le répondeur. Autour de lui, sa famille, ses professeurs, ses amis, sont tolérants, lui laissent le temps d’apprivoiser sa douleur. Du point de vue d’Étienne, l’épreuve paraît insurmontable.

Boom est publié aux éditions Actes Sud junior dans la collection "D’une seule voix". Cette dernière propose des textes courts et forts, narrés par le personnage principal de l’histoire. Ici, Étienne raconte son présent, replonge dans ses souvenirs et dans les différents événements plus proches de la tragédie. C’est trois ans d’amitié dont il parle au lecteur. Trois années intenses, pleines de surprises, de fêtes, de conquêtes amoureuses, de premières fois, de vacances. Trois années où Étienne a tout de même décelé des défauts chez Timothée. Il faut en parler puisque lorsque quelqu’un meurt, il devient tout à coup parfait. Mais ces défauts, ils les aime autant que les qualités de son « frère » qui lui manque à l’indicible. Julien Dufresne-Lamy parle donc ici de la perte d’un ami, du deuil, du vide, de la culpabilité aussi. De l’envie de rester vivant, oui, mais comment ? Il s’est inspiré d’un fait réel et offre un très beau texte.

mardi 29 mai 2018

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog D'une berge à l'autre


Étienne tente de faire le deuil de Timothée, le deuil impossible de son meilleur ami. « Tu es parti avec ma tranquillité. Je ne dors plus, je vis mal, mes nuits sont bruyantes et mes journées deviennent de longs tunnels silencieux. »

Ils s’étaient rencontrés trois ans plus tôt. Trois ans dans le même lycée, trois ans à tout partager. Une amitié fusionnelle. Timothée le bon élève, le bien éduqué. Étienne la grande gueule, le fêtard, le dilettante. Il aura fallu un voyage scolaire à Londres, une voiture folle sur le pont de Westminster et une jeunesse fauchée en quelques secondes pour que leurs chemins se séparent. A jamais.

Étienne s’en veut, il culpabilise de ne pas avoir été là au moment du drame. Son monologue s’adresse à l’ami disparu, il évoque les bons souvenirs, les moments inoubliables et ceux qu’ils ne pourront plus partager. L’absence est trop béante pour envisager une possible reconstruction, pour aller de l’avant, pour imaginer l’avenir.

D’une seule voix, comme une longue lettre à l’absent. C’est à la fois construit et décousu, hésitant et plein de certitudes. Étienne ne s’adresse pas à d’éventuels lecteurs, c’est à Timothée qu’il parle. Il oscille entre colère et confidences, tristesse et culpabilité.

Un texte touchant, pudique, qui ne fait qu’effleurer les causes de la mort pour se focaliser sur ses conséquences, sur cette blessure impossible à refermer. Le ton est juste, la douleur s’exprime sans débordements lacrymaux inutiles. Les mots se suffisent à eux-mêmes, l’amitié est si sincère qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter. Une confession sur un fil, fragile, avec les mots simples et directs d’un ado confronté à une tragédie qui le dépasse.

vendredi 18 mai 2018

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog Publikart



Boom, ou la lettre d’un ado à son ami assassiné 

Publik’art connaît bien Julien Dufresne-Lamy et le lit avec plaisir depuis plusieurs années. Son dernier roman, Les Indifférents ne nous avait surtout pas laissé indifférents puisqu’il avait été notre coup de cœur. L’auteur connaît bien le monde de l’adolescence. Peut-être une partie de lui-même se sent-il encore très fortement adolescent ? D’ailleurs, n’est-ce pas un peu le cas de chacun d’entre nous ? 

Boom, un bruit meurtrier 

Mais avec Boom, on entre dans le monde de l’adolescent traumatisé. Etienne écrit à son ami, Thimothée. Ils ont 17 ans, sont dans le même lycée et depuis trois ans, ils ne se quittent plus. Les meilleurs amis du monde. Ils ont fait les 400 coups ensemble, à la fois très différents et complémentaires. Bref, une amitié fusionnelle, entière. Chacun avec ses qualités, mais aussi ses défauts. Ce que décrit Etienne, nous l’avons tous vécu. Une très forte amitié à un moment clé de notre vie, à l’adolescence. Un âge où on est prêt à donner sa vie pour son meilleur ami. 

Mort subite insupportable 

Le ton est donné. Thimothée s’est fait faucher par un terroriste, sur le pont de Westminster alors qu’il était en voyage à Londres avec son lycée et son meilleur ami, Etienne. L’histoire est terrible et surtout terriblement vraie. Les mots sonnent très justes, et nous percutent là où ça fait mal. Et pourtant pas de mélo dans l’écriture de Julien Dufresne-Lamy, bien au contraire. L’auteur nous dévoile déjà l’amitié de ces deux ados et ensuite le monde dans lequel est plongé Etienne, juste après la mort de son ami. Tout est entremêlé. Plus rien n’a de sens avec « Ta mort ressemble à ça. Le minimum. Juste une bagnole pourrie ». 

Survivre sans 

Aucune haine mais un immense sentiment de culpabilité. Etienne survivant et Thimothée décédant. Comment survivre après une telle douleur ? Boom est un livre qui ne peut que nous interpeller. C’est à la fois un bel hommage rendu aux victimes des attentats et aussi un beau message à tous les survivants qui n’arrivent plus à vivre, envahis par un immense sentiment de solitude et surtout de culpabilité. Mais c’est aussi un très bel hymne à la vie. 

L’écriture de Julien Dufresne-Lamy est concise. Chaque mot est pesé, voire soupesé. Pas besoin d’écrire des pages et des pages. Tout est essentiel dans ce petit livre Boom. Boom est édité chez Actes Sud Junior, pour les adolescents à partir de 15 ans. Il doit surtout être lu par nous tous, sans limite d’âge ! Absolument. Un coup de coeur pour Publik’Art !

"Une fille de..." de Jo Witek

Chronique du blog Takalirsa


Le cri d'amour d'une fille pour sa mère, le cri de rage d'une adolescente pour "gagner sa dignité" de femme. 

Hanna réalise très tôt qu'elle n'est "pas une enfant comme les autres. Que ma mère n'est pas une femme comme les autres et que les autres me feront payer cher cette différence." Tandis qu'elle court, elle raconte sa vie "au milieu des secrets, des non-dits", ce père dont elle ne sait rien, sa mère dont il faut cacher la profession ("serveuse, c'est le nom officiel du job de maman. C'est le déguisement social qu'elle me propose.") et quand "ça" finit par se savoir, le regard des gens qu'il faut supporter, la pitié ("pauvre petite"), la honte et en grandissant, les humiliations sexuelles des "débiles" : "J'en crève"... 

Et pourtant, Hanna ne reproche rien à sa mère : "Ma mère se prostitue, c'est vrai, mais je l'aime, et je suis fière d'elle, parce qu'après ce qu'elle a vécu et ce qu'elle vit encore, elle a réussi à m'offrir de l'amour, beaucoup d'amour". Hanna revient alors sur le passé de la jeune Ukrainienne enrôlée malgré elle dans un réseau de proxénètes, et l'on ne peut que se rallier à sa colère envers ces hommes qui salissent tout par leur business, le corps, et l'âme - "de l'esclavage physique et moral en plein XXIe siècle". Et puis il y a les clients, qui entretiennent tout autant le système, et tous ceux qui ferment les yeux, qui jugent et condamnent au lieu d'aider... "C'est vous qui êtes infâmes ! Pas elles !". 

Alors Hanna court, elle court pour se sentir libérée du regard des autres, "pour exister" tout simplement et, peut-être, donner sa chance à l'amour. Car son image des hommes, entre peur et dégoût, son appréhension des relations sexuelles, centrées sur le désir, empreintes de violence, ne laissent guère de place pour "le bonheur à deux que partagent les amoureux"... "Et si, à cause de la monstruosité humaine, à cause de l'histoire de ma mère, j'étais à jamais privée de la légèreté d'aimer ?". Mais justement, quel est ce mystérieux rendez-vous vers lequel court la jeune fille à travers cette course inhabituelle de deux heures, elle qui déteste bousculer ses habitudes ? "Il est temps de me lancer." car "J'aime l'idée que l'on puisse renaître".

jeudi 3 mai 2018

"Boom" de Julien Dufresne-lamy

Chronique du site Encres Vagabondes


Voilà un très beau texte sur l’amitié, le chagrin et la culpabilité. Etienne et Timothée sont amis depuis trois ans. Pour Timothée, on peut dire « était ». Le titre et le bus anglais rouge de la couverture sont explicites. À Londres, sur le pont de Westminster, la voiture d’un terroriste fauche un groupe de lycéens. Timothée était parmi eux. 

Etienne reste seul, dévasté, rongé par la culpabilité. « Ta mort, c’est ma faute. Si j’avais agi comme il faut, tu serais encore là. » Pourquoi Timothée se trouvait sur ce pont et pas Etienne, c’est ce nous découvrirons peu à peu, au fil du monologue.

Tout en évoquant son état actuel, les médicaments, les cauchemars, l’envie de ne rien faire, les paroles de la psychologue, Etienne reprend leur histoire depuis le début, leur rencontre, trois ans plus tôt, et c’est la construction d’une belle amitié que ce roman raconte. « Trois ans de conneries, de fêtes, de filles à tomber […] Trois ans de confidences, de joie, de gueule de bois. Trois ans de gueule de joie, c’est ça. »


Leur rencontre, c’était à un cours de danse africaine auquel leurs mères se sont inscrites, où « les Parisiennes jouent les girafes. Elles s'imaginent là-bas, rescapées des bombes, nourricières dans la brousse. Elles oublient leurs fringues Agnès B., leur manucure et leur dégradé couleur à deux cents balles. » Il n’est jamais très tendre, Etienne, ni avec lui-même ni avec les autres. Il a souvent la dent dure, la révolte adolescente à fleur de peau. Mais avec Timothée, ce jour-là, « c’est le coup de foudre, pas vrai ? On peut le dire maintenant, nos conquêtes féminines ne nous en voudront pas. Ce jour-là dans la lande, c’est la foudre qui frappe. »

Pourtant, ils ont des tempéraments bien différents. Autant Etienne est excessif, provocateur et casse-cou, autant Timothée est calme, sportif et raisonnable. « Le week-end, je bois trop. Je picole jusqu'à la gorge pleine. On est plusieurs à boire comme des trous. […] On se met des mines pas possibles mais toi, tu ne finis jamais à l'envers. Tu es le type bien, sage, debout en toutes circonstances. Celui qui me prend par le bras quand je titube en vrac sur la chaussée » « Et tu ne m'engueules pas. Jamais un mot de trop avec toi. Pas de petite morale. Pas de 
leçon. »

Ils sont aussi opposés que complémentaires, et inséparables pendant trois ans, jusqu’à Londres. « Londres, c'est ton idée. Tu me baratines avec ce voyage. […] Tous les ans, les professeurs d'anglais organisent une virée rituelle dans la capitale anglaise. Ils choisissent un petit groupe trié sur le volet, de très bons élèves généralement. Pour notre dernière année au bahut, tu veux en être. » Ils ont tout fait pour en être, ils ont dû convaincre les parents et progresser en anglais, et ils en ont été. Mais l’un est revenu et pas l’autre…

C’est un texte très fort et très émouvant, alternant la joie et la colère, le bonheur des jours heureux et la tristesse du manque, où certaines pages se lisent les larmes aux yeux et d’autres le sourire aux lèvres. Décidément, Julien Dufresne-Lamy, dont on avait beaucoup aimé Mauvais joueurs (chroniqué ici), a beaucoup de talent pour mettre des mots sur les souffrances et les sentiments contrastés des adolescents. Un auteur à suivre, assurément.

mercredi 11 avril 2018

"Boom" de Julien Dufresne-Lamy

Chronique du blog Songes d'une Walkyrie


Un monologue d’un jeune homme à un autre, l’un survivant, l’autre mort dans un attentat. Fort et sensible, Boom est un court roman « d’une seule voix » qui crie la douleur de celui qui reste dans le deuil et qui doit tâcher d’avancer avant de sombrer…

Etienne est l’adolescent fêtard, celui qui accumule les conquêtes et les bêtises alcoolisées, celui qui fonce avant de réfléchir aux conséquences, le téméraire, celui qui ouvre sa bouche pour s’affirmer mais aussi faire son intéressant, celui probablement qui se cache sous une façade pétillante et insouciante, et pourtant tout cela va s’éteindre au cours d’un voyage scolaire à Londres. Depuis, la culpabilité et la peine ont pris le pas sur sa joie de vivre et sur ses rires…

Timothée était le gentil garçon, celui qui réfléchissait, savait s’arrêter, la politesse incarnée, plus posé et réservé, un ami fidèle, celui sur lequel on pouvait compter, l’intellectuel, celui qui rêvait de Londres et pourtant, aujourd’hui il n’est plus, mort violemment et subitement dans un énième attentat ridicule…

Etienne et Timothée, c’est un coup de foudre amical, un regard, un sourire et le charme opérait sur ces deux êtres bien différents l’un de l’autre, un lien indéfinissable, trois ans de relation fusionnelle, trois ans d’amitié intense, trois ans à rattraper les années où ils ne se connaissaient pas encore et puis BOOM ! Cela s’est achevé aussi vite que cela avait commencé. Aujourd’hui, Etienne tente d’écrire les mots qui pourraient soulager, submergé par les émotions ; la perte, le manque, la culpabilité. Comment avancer après tout ça ?

L’ouvrage est certes très court mais très intense, très fort, très sensible, on se prend sans peine en plein cœur la douleur qui terrasse Etienne, ce sentiment qui le rend léthargique à subir le quotidien avec ce manque terrible d’un être qui ne sera plus jamais là (le proverbe « un seul être vous manque et tout est dépeuplé » prend ici tout son sens). Il parle à Timothée, lui dit ce qu’il pense et ressent. Le thème du deuil est justement traité, avec pudeur et sensibilité, mais aussi avec colère et culpabilité, il s’agit d’un deuil adolescent, moment d’un être où tout est exacerbé, notamment les états émotionnels. En cela, le personnage d’Etienne est très réaliste.

Le roman est façonné de manière anarchique, tantôt des souvenirs, heureux le plus souvent, tantôt le ressenti présent, une impression que cela part un peu dans tous les sens, un peu brouillon dans l’organisation des idées, mais n’est ce pas cela de ressentir et vivre pleinement les émotions, les attraper comme elles viennent, puis les coucher sur du papier, cela sonne encore plus réaliste au final et je pense que c’est ce que l’auteur recherchait, évoquer l’état de deuil d’un être adolescent, de façon brut et certainement pas finement taillé, cela aurait manqué de spontanéité tout simplement.

En bref, un court roman qui se dévore et se ressent, un petit joyau qui ne demande qu’à briller dans vos cœurs. Très belle lecture !