mercredi 3 octobre 2018

"Mon âme frère" de Gaël Aymon

Chronique du blog L'oiseau lit


Mon âme frère… quel beau titre que celui-ci ! L’âme frère de Camille se prénomme Yanis. Ensemble, ils découvrent un amour passionné d’adolescence, celui qui bouleverse tout sur son passage. Camille est toute entière tournée vers cet être qui est le complément d’elle-même. Et elle doit aussi composer avec une situation moins attirante : reprendre en main son parcours scolaire.

Le tout nouveau roman de Gaël Aymon – qui paraît aujourd’hui en librairie – parle bien entendu d’amour, mais fait également s’entrechoquer de nombreuses thématiques actuelles et sensibles telles que l’orientation en milieu scolaire, la relation à autrui, la prise en main de son avenir, et amorce une réflexion sur les lieux communs et normes régnantes en matière d’éducation et de professionnalisation dans notre société.

Sans avoir de mon côté subi cette angoisse d’être mise au pied du mur, comme c’est le cas pour Camille, l’histoire de cette héroïne a malgré tout fait grandement écho à ma propre expérience d’ado, et même à mes interrogations d’adulte. Notamment au sujet de cette ineptie inévitable bien que nécessaire avec laquelle chacun doit composer durant la période du lycée, voir même dès la fin du collège : décider où se passera et ce à quoi ressemblera sa vie d’adulte.
D’aucuns s’accommodent tant bien que mal de cette situation, mais elle fait aussi défaut à un grand nombre de jeunes aujourd’hui. Comment se projeter dans une société où les différents parcours d’études ne sont pas toujours mis au même niveau de reconnaissance ?

« Il faudra qu’on fasse quelque chose de beau de notre vie. Là, on ne sait rien, 
on est encore « petits ». Comment savoir ce dont on sera capables ? 
Comment choisir déjà pour toujours ? »

Le choix d’une orientation s’apparente à un saut dans le vide… Et sans doute les filières générales sont-elles vantées notamment parce qu’elles garantissent une certaine possibilité de rebondissement (en cas de mauvaise chute). Mais le saut en reste un, d’une manière différente.
Cela dit, les positions diverses tenues par les établissements ne sont pas seules causes de ce déséquilibre des valeurs, et Gaël Aymon le montre bien : les personnages des parents de Camille ont un rôle à jouer, et leurs réactions révèlent combien les attentes des parents peuvent se retrouver confrontées de manière complexe à celles de leurs enfants. Il ne s’agit pas de les pointer du doigt, mais plutôt de comprendre la source de leur conditionnement et de leur impuissanceà aider leur fille.

L’auteur entrecroise avec talent ces multiples réflexions à travers le personnage de Camille, tantôt à la dérive, tantôt colérique, toujours dans l’introspection, et parfois bataillant sauvagement les contradictions qui l’assaillent. Elle se démène au centre de ce nœud de situations problématiques autant physiques que psychologiques, qui semblent inextricables, autour duquel l’amour de Yanis gravite et qu’elle peine à appréhender.

Au milieu de ces questions bruyantes et intempestives, elle cherche à trouver le moyen de « concilier amour et liberté », comme le dit l’auteur. Et le lecteur de réaliser combien l’amour peut être un cocon entre les soies duquel il est tentant de se réfugier, voire s’aveugler, autant qu’une sorte de danger, dès lors que l’on s’abandonne à l’autre jusqu’à ne plus considérer ses propres désirs.

Lors de l’un de ces entretiens d’orientation implacables, la solution apparaît avec tant d’évidence et de clarté. En appelant Camille à chercher sa « vérité intérieure », la conseillère lui offre pleinement le choix, et le droit de réaliser ce choix.
Ce qui fait écho avec justesse au message de Paulo Coelho qui donne une forme à la Légende Personnelle dans L’Alchimiste, une lecture qui m’a complètement bouleversée.

« J’ai très peur de vieillir et de n’avoir rien fait. »

Avec Mon âme frère, Gaël Aymon livre un discours émouvant et nécessaire sur la construction de son propre avenir, qui interroge également le statut de la femme que souhaite devenir Camille, dans son rapport à elle-même et aux autres personnes.
Et comme un cadeau à celui ou celle qui se poserait encore des questions, le poème de William E. Henley, Invictus, vient magnifiquement clore ce roman, réflexion vibrante sur ce besoin viscéral qui se manifeste chez chacun d’entre nous: donner un sens à sa vie.

« Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme »

Je ne peux que vous conseiller ce roman qui parle avec authenticité aux ados d’aujourd’hui, et aussi aux ados que nous avons pu être.





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