mardi 1 octobre 2019

"J'ai tué un homme" de Charlotte Erlih

Chronique du blog La bibliothèque de Noukette


Elle est sûre d’elle cette voix qui s’élève. Elle ne tremble pas. Elle assume tout. Pourtant le geste n’a pas été simple. Tuer un homme, ce n’est pas rien. Mais il le fallait, ça tambourinait dans sa tête, c’était impératif. Alors elle n’a pas pu reculer. Elle, Germaine Berton, militante anarchiste, est bien la meurtrière de Léon Daudet, leader de l’Action française. Nous sommes en 1923…

Elle vacille cette voix. Elle ne sait plus à quoi se raccrocher, tout tremble autour d’elle. Mais le document est là, il va falloir signer. Prendre une décision. Son fils a besoin d’aide et elle n’a pas les clés. D’autres les auront peut-être. Après tout, ce n’est peut-être que passager. Une divagation passagère. Il travaille trop. Il a craqué…

Arthur, 14 ans, a perdu les pédales. Élève en classe de troisième à Henri IV, passionné d’histoire, il est persuadé d’être une femme, Germaine Berton, et d’avoir assassiné un homme. En plein épisode délirant, l’hospitalisation devient la seule solution. Dépassée, consciente que son fils n’est plus lui même et qu’il faut le soigner, sa mère se résout à signer la demande d’hospitalisation. Elle le connaît ce monde là. Elle y a travaillé plus de 6 ans dans ce service psychiatrique. Et elle n’en veut pas de cette pitié.

Un impressionnant roman choral qui tente de percer le mystère qui entoure le jeune Arthur. Tous tentent de dénouer les fils : les parents, les soignants, des camarades de classe et la professeure d’histoire. Et face à la maladie, tous sont démunis. Le lecteur, lui, est admiratif d’une telle maîtrise narrative. Impossible de lâcher ce roman une fois commencé. Les voix alternent et disent avec une incroyable force un sujet peu abordé en littérature jeunesse et encore tabou dans notre société : la schizophrénie. On le referme sonné par cette réalité peu connue que nous donne à voir Charlotte Erlih. Vertigineux.

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